Il est de ces films dans lesquels en rentre en se cassant la gueule et dont on refuse de sortir.
Par ce qu’ils ferment la porte à nos souvenirs surannés et polis par le temps.
On ne peut pas regarder Gainsbourg (Vie Héroïque). On siffle la belle blonde qui débarque avec son chien et sa musique orchestral, on matte les gonzesses avec des poils, on fume comme un pompier mais on ne le regarde pas.
C’est sans doute ça la force de ce film. Ce n’est pas une jolie galerie de portraits compatissant sur le mode « Lui qui a tant souffert d’être si peu aimé de nous et tant aimé des femmes où l’inverse on ne sait plus». Mais c’est un portrait, tant fantasmé qu’il en devient réel, sur un illustre inconnu.
On ne connaît pas Gainsbourg pas plus que son sublime Gainsbarre omniprésent. Tant et si bien qu’on finit par ne plus savoir ce qui est vrai, ce qui ne l’est pas.
On découvre le Gainsbourg-Artiste naissant qui se fait violence. Un Gainsbourg qui citerait presque du Trigorine dans le texte teinté des fameuses lettres de Rainer Maria Rilke.
Car Joann Sfar nous montre un Gainsbourg plus meurtri qu’il n’ose l’écrire. Un Gainsbourg qui doute et se cherche, un Gainsbourg comme tous les Artistes, comme tous les Génies.
Il fuit l’esthétique d’une déchéance qui n’aurait pu être que malsaine et trop facile pour nous mettre mal à l’aise face à la folie de l’alcool. La mort n’est finalement pas aussi terrible que son long chemin. L’empathie nous guette bien plus que la pitié et c’est aussi cela qui rend ce film si différent. On ne plaint pas, on souffre. À tel point qu’on ose même plus invectiver Gainsbourg pour qu’il arrête de boire. Pour nous.
Bien sûr, le film a ses faiblesses, ses longueurs, ses doutes et ses impasses. Il hésite et finalement se décuple. Il se risque, tout de même, à faire un peu « comme tout le monde », il nous présente une jolie série de star. Mais même là, Katerine nous donne un tendre Boris Vian, pas sa copie. Anna Mougladis nous présente une Gréco à la beauté vénéneuse à mi-chemin entre Fanny Ardant et un verre d’alcool. Même Sara Forestier qui campe une France Gall tête à claques limite stupide, nous fait croire à ce conte moderne et onirique.
Loin de toutes nos habitudes, il nous perd. Gainsbarre devient merveilleux et Gainsbourg séduisant, sexy, dans le corps d’un Eric Elmosnino plus que troublant, sublimé par une Lucy Gordon simple et belle. L’ironie voudra que la seule chanson chantée par Lucy Gordon soit « Le canari est sur le balcon ». Sobre Chanson sur le suicide que Lucy commit quelques semaines plus tard dans son appartement parisien.
Sobre et démesuré, le film est à la hauteur de Gainsbourg. Se jouant des codes et des extrêmes, pour tout simplement nous emporter définitivement,dans cet univers auquel on veut bien croire encore et encore.
Et tant mieux si de là où il est, Gainsbarre nous conseille sérieusement d’aller nous faire foutre.
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